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Photo du rédacteurÉric B.

Les affiches de cinéma, tout un art ! (Épisode 2)


Dans l’article précédent nous avions abordé la couleur des affiches et ses tendances. Il est temps maintenant de s’attaquer à la symbolique utilisée dans le langage "pictural" des affichistes ciné et autres graphistes.

Nous traiterons d'abord des éléments de langage et des symboles récurrents, pour aborder ensuite une analyse sémiologique plus détaillée avec la représentation des thèmes et des objets que l’on retrouve fréquemment en fonction du genre de film.

Dans les prochains posts nous aborderons :

3 - Les déclinaisons d’affiches : variations sur le même thème 4 - Les graphistes et agences spécialisées célèbres 5 - Best of des plus belles affiches selon nous

2 - LES THÈMES GRAPHIQUES OU LA SÉMIOLOGIE DES AFFICHES

Vous avez sans doute remarqué un certain nombre de thèmes récurrents dans les affiches de cinéma contemporaines : gros plans de personnage avec reflets dans les lunettes, personnage qui s’avance en marchant ou courant vers le spectateur, personnage vu de dos ou de trois quarts arrière, gros plan d’une bouche ou bien d’un œil et cætera.

Ces représentations constituent une sorte d’iconographie propre au langage de l’affiche de cinéma et parfois aussi des couvertures de livres. Nous avons tenté de les répertorier afin de mettre en évidence ces symboliques fréquemment utilisées et de chercher les raisons de leur usage.

I - ATTITUDES, POSITIONS ET ANGLES DE VUE

• Le personnage qui s'avance vers le spectateur

Qu'il court ou bien qu'il marche, on retrouve souvent ce type d'attitude où le protagoniste arbore fièrement une démarche conquérante. On peut le voir également en pleine course : une manière de signifier l'urgence de la situation. C'est un thème propre aux films de genre.


• Le personnage de dos

De dos (de plein pied, en plan américain ou en contre-plongé), de trois quarts arrière pour signifier une certaine faiblesse ou blessure personnelle, jetant un regard de biais ou bien vers le spectateur, ces attitudes moins conquérantes donnent davantage de profondeur au personnage et suscitent parfois une certaine empathie envers le héros en nous offrant une vue subjective.


• Le plongé ou contre-plongé en perspective !

Si d'aventure vous aviez besoin d'un super-héros, il vous suffira de lever la tête. Juché sur une corniche, un rocher, sur le toit d'un immeuble ou bien d'un véhicule, notre personnage veille ou nous observe avec magnificence. Cet angle de vue est fréquemment repris par les films de science-fiction ou les comics : un plan très courant en bande dessinée.

L'inverse fonctionne aussi alors pourquoi s'en priver, plongez la tête et observez cette belle perspective !


Dans un autre registre…


• Le gros plan

Évidemment nous ne pouvions pas faire sans ce standard de l’affiche de cinéma. Quand on paie des fortunes pour un acteur autant que l'on puisse voir la marchandise ! La recette est simple : dans la partie haute de l'affiche, inscrivez le nom de votre acteur favori, suivi d’une grande photo de lui. Dans la moitié basse, insérez la phrase d'accroche et y ajouter le titre en gros. Le tour est joué !


II - LES GRANDS THÈMES GRAPHIQUES ET ICONIQUES On retrouve bien sûr, du point de vue de la forme, des attributs humains comme les yeux qui expriment la surprise, la frayeur, l'introspection, l'étrangeté et l'énigme, ou la bouche qui symbolise quant à elle la volupté, la sensualité ou l'érotisme mais aussi des postures et attitudes comme les personnages dos à dos ou les jambes écartées. Dans un autre registre, celui du traitement plastique de l'image, on utilisera différents procédés comme celui de la mosaïque, de l'image sur pellicule ou Polaroïd, sur papier déchiré, froissé ou plié, mais également les effets de vitres brisées ou d'éclats de verre, d'impact de balles etc. Enfin, on notera l'utilisation d'objets iconiques et connotés comme les armes à feu ou les objets contondants, les lunettes qui sont très présentes, les véhicules de toutes sortes mais aussi les astres et autres planètes que l'on retrouve essentiellement dans la science-fiction.

La liste est loin d'être exhaustive. On parle là des éléments les plus courants qu'on retrouve aujourd'hui sur les affiches de cinéma.

• Les yeux

Cette fois-ci on se passera de commentaire. Jugez plutôt !



• La bouche ou les lèvres

Aguicheuse ou voluptueuse, la bouche suffit pour incarner la sensualité ou l'érotisme sans risquer la censure. Un fond blanc ou un fond noir, des lèvres lascives parées d'un rouge carmin et nous plongeons secrètement dans un univers libidineux où tous les fantasmes sont permis. D'autres fois sanglante ou laissant paraître la pointe d'une canine, la bouche exprime aussitôt une inquiétante ambivalence.


• Postures et silhouettes

Le dos-à-dos est souvent utilisé dans les comédies sentimentales ou certains duo de potes.


Les fameuses jambes écartées immortalisées parJames Bond. On peut d'ailleurs observer leur copie conforme sur l'affiche du film Le transporteur ou encore sur celle de Kingsman : Services secrets. Cette tendance qui sévit depuis des décennies est quoi qu'on en dise un peu éculée et un brin sexiste. Elle reste toutefois un code qui a encore de beaux jours devant lui.


L'étreinte amoureuse ou le baiser romantique.


• Le split screen* et autres découpages

Le split-screen, terme « volé » au cinéma, est un anglicisme qui se traduit en français par écran divisé ou écran séparé. C’est un effet consistant à diviser l'écran en plusieurs parties, chacune de ces parties présentant des images différentes. On pense aux films L’affaire Thomas Crown ou à L’étrangleur de Boston qui restent des films emblématiques de cette technique. Le réalisateur Brian De Palma a également utilisé ce procédé dans de nombreux films comme, Carrie, Sœurs de sang, Phantom of the Paradise, Snake eyes et bien d’autres…

En terme d’affiche on pourra retrouver exactement le même procédé : diviser l’affiche en plusieurs parties afin d’y afficher des scènes différentes et ainsi rendre compte, soit de la simultanéité d’actions dans un temps donné, soit d’un film avec une large palette d’acteurs. Cette technique peut permettre également, en divisant l’affiche en 2 parties, d’exprimer la dualité, l’opposition entre deux personnages ou de mettre en parallèle 2 points de vue différents comme celui du tueur et de la victime par exemple.

On pense également au film Phone game qui se déroule presque exclusivement dans une cabine téléphonique. Il n'est donc pas étonnant que les distributeurs aient utilisé ce procédé pour exprimer l'action qui est néanmoins bien présente dans le film. On tenait à faire une mention spéciale au film Time Code, qui est peut-être le seul film à avoir poussé l'exercice à l'extrême en représentant sur un écran divisé en 4, quatre plans-séquences d'une heure et demie sans aucune coupure. Une expérience visuelle étonnante ! Mais arrêtons les digressions et voyons plutôt à quoi les affiches peuvent ressembler…


• La mosaïque : fragmentation/accumulation/reconstruction

Les mosaïques de photos forment un excellent moyen pour représenter la complexité d’une œuvre en utilisant deux distances de lecture : le premier plan avec le sujet principal et derrière, la multitude d’images qui constitue le second plan en toile de fond. C'est un procédé astucieux qui permet de raconter plusieurs histoires sur un même visuel et d'y apporter de la profondeur. On en rencontre donc un certain nombre dans tous les modes d'expression graphique comme l'affiche de cinéma bien sûr mais aussi dans l'édition ou la publicité. Regardons de plus près !





Dans ce contexte, on ne peut s'empêcher de penser aux "accumulations" d'objets du sculpteur Arman qui, comme l'expliquait Umberto Ecco, était parvenu en suivant une logique quantitative, à effacer la singularité de l'objet au profit d'une nouvelle forme de représentation. Tout comme lorsqu'il se saisissait des icônes de l'art occidental (Vénus de Milo, Hercule Farnèse, etc.), qu'il tronçonnait pour ensuite les ressouder dans un désordre fouillé.

On observe que cette même méthode d'accumulation est aussi utilisée avec efficacité dans les représentations graphiques comme l'illustre l'affiche ci-dessous réalisée par le studio Le cercle noir pour l'agence Silenzio.


• La dualité sous toutes ses formes : un incontournable !

Si le film aborde la relation entre deux individus, l’idée de l'affiche apparaît alors comme une évidence : présence des deux personnages, regards entremêlés du couple dans le champ ou construction énigmatique des regards hors champ, ce principe de dualité s'érige comme un must.

Face à face, côte à côte, l'un au-dessus de l'autre ou l'un devant l'autre, dos à dos… On disposera les protagonistes selon leur importance à l'écran, ou selon la logique d'un processus narratif évoquant la coexistence comme celle de Dr Jekyll & Mr Hyde, l'amour et la violence comme dans Thelma & Louise, la complicité comme dans Bonny and Clyde, l'antagonisme comme celui entre Maximus et Commode, l'humour comme celui de François Perrin et Campana dans La chèvre ou bien encore la duplicité comme celle de Castor Troy et Sean Archer dans Volte-face.


• Les objets

Les lunettes sont abondamment représentées. Elles permettent souvent d'utiliser le reflet pour y présenter "l'autre côté du miroir" en contre-champ, manière astucieuse d'explorer une autre dimension de l'affiche et d'y voir en filigrane des éléments de la narration.


Les vitres brisées représentent quant à elles, la déchirure ou l'effraction mais aussi l'éclatement de la personnalité ou la multiplicité du protagoniste, un style graphique qui autorise différents traitements du plus bel effet.

On peut trouver également des impacts de balles pour exprimer la violence tangible. Ce procédé ne s'appliquant pas uniquement sur des vitres, il reste un traitement à part entière qu'on retrouve dans le genre policier ou le western.


Les armes et objets contondants font depuis longtemps partie de la panoplie nécessaire à l'illustration d'un bon film de genre. On sait tout de suite de quoi on parle : ça ne sera pas un film pour fillette !

Même si le sujet est bien éculé on pourra remarquer quelques belles trouvailles graphiques comme les affiches des films Mechanic et celle du teaser de From Paris with love réalisées par l'agence américaine Ignition, tout comme celle de Made in France réalisée par le studio parisien Rysk.

On ne vous a pas épargné quelques affiches de films bourrins à la Stallone qui ont pullulé dans les années quatre-vingts, car quoi qu'on en dise elles représentent un style typique : une époque où l'on faisait encore les affiches sans l'aide d'un ordinateur.


Les couteaux et objets tranchants (épées, sabres, glaives, haches, etc.) sont également de la partie dans les affiches de films de genre (thriller, horreur, péplum, fantastique…). On trouve également les nunchakus propres aux films de karaté, les coup-de-poing américains pour les bons vieux films de baston… Bref, tout objet signifiant la violence, le combat et l'action.



• Les véhicules

Objets de fascination et de fantasme de la gente masculine, les voitures, camions et autres motos sont également incontournables dans les affiches de films. À tel point que l'automobile devient parfois le véritable héros du film : on pense à Christine, le film de John Carpenter sortie en 1983, à la série La Coccinelle lancée à partir de 1968 avec la fameuse "Choupette", ou plus près de nous au film Cars produit par Pixar avec le sympathique Flash Mcqueen, ou bien encore à la franchise Transformers avec sa célèbre Chevrolet Camaro.

Et puis que ferait notre agent secret préféré, James Bond, sans son Aston Martin, que ferait Mad Max sans son fameux Interceptor ou bien que ferait Batman sans sa Batmobile ? On voit ainsi que l'automobile, quand elle n'est pas le protagoniste du film, est un élément indissociable du héros. Il n'est pas étonnant, par conséquent, qu'on les retrouve sur bon nombre d'affiches.

On ne peut pas parler de voitures sans évoquer aussi les films de course automobile. Qu'elle soit mythique, comme dans le film Le Mans avec le regretté Steve McQueen, sorti en 1971, ou encore historique, comme dans le film Rush qui retrace la rivalité opposant les deux pilotes de formule 1, James Hunt et Niki Lauda. Ou bien qu'elle soit illégale comme dans la franchise à succès Fast & Furious, ou comme dans le film Need for Speed, l'adaptation du jeu vidéo éponyme. Mais voyons plutôt tout cela…



• Les Planètes

Enfin, pour terminer cet article, nous ne pouvions pas omettre d'évoquer les astres et planètes, ainsi que notre chère Terre, qui sont des éléments très souvent représentés sur les affiches de cinéma, en particulier dans la science-fiction.


Comme nous avons pu le voir, on retrouve de nombreux symboles récurrents sur les affiches de cinéma. Qu'ils soient formels, plastiques ou symboliques. Ceux-ci nous procurent des informations sur le genre et le contexte du film.

La structuration de l’affiche donne, quant à elle, une information sur l'importance des rôles des acteurs du film : la distribution pyramidale autour d'un personnage central, l'étoile concentrique avec un personnage au centre, la spirale de visages etc.

Tous ces éléments constituent une bonne ou parfois une mauvaise affiche, mais il est clair qu'ils ne sauraient passer au travers des prérogatives des distributeurs qui entendent bien réutiliser une même recette si celle-ci s'est avérée lucrative. N'oublions pas que le cinéma est un art mais également un énorme business.

Article précédent :

 

Sources : Le Monde.fr - www.qualiquanti.com - www.impawards.com - Vijay Pandurangan Colours in movie posters - Tuxboard (blog) - Konbini (blog) - Christophe Courtois (blog) - http://boxofficequant.com - cinematheque.fr - imdb.com - Wikipedia - Christian Metz : Le signifiant imaginaire , Langage et cinéma


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